Le retard du Québec en ecommerce: épine dans le pied ou opportunité?

En 2018, un commerçant qui boude le commerce électronique se prive d’une très grande part du marché. Il y a un trou au fonds de sa bourse et il se trouve des excuses pour ne pas s’en occuper. C’est aussi simple que ça. 

Chaque année, le commerce électronique gagne du terrain et les habitudes des consommateurs évoluent en parallèle. S’intéresser et s’adapter à cette réalité relève donc d’une logique des plus basiques.

C’est pourquoi il est très important d’être au fait des études sur le comportement des cyberconsommateurs et l’état général du commerce électronique. Après tout, avant d’investir dans le développement d’un ecommerce, il vaut mieux s’assurer qu’on accorde notre priorité aux bons endroits!

Alors, qu’en est-il donc du ecommerce québécois ces années-ci, et qu’est-ce que les plus récentes études ont à nous révéler pour nous aider à orienter nos efforts de développement?

Le résultat des enquêtes réalisées par le CEFRIO sur l’Indice du commerce électronique au Québec et les données de NETendances vont nous permettre de répondre à ces questions.

Portrait des achats en ligne

On sait que les Québécois accusent un retard au niveau technologique. Selon ce que révèle Jean-François Gauthier, président-directeur général de l'Institut de gouvernance numérique dans une entrevue pour le Journal de Québec, on parlerait même "facilement" d'un retard de 20 ans.

Pour que nos entreprises demeurent concurrentielles, de nombreux efforts ont été déployés pour rattraper ce retard au cours des dernières années. Mais est-ce que ces efforts ont porté fruit dans le domaine du ecommerce?

Voici quelques statistiques qui brossent un portrait général des ventes en ligne au Québec dans les dernières années:

Quelle est la proportion de cyberacheteurs?

En 2017, 58 % des adultes québécois, en moyenne, ont effectué au moins un achat en ligne

Ce chiffre était de 49,4 % en 2014. Il s’agit donc d’une augmentation de 8,6 %, soit une moyenne de près de 3 % chaque année.

La proportion de la population à faire des achats en ligne est donc en augmentation constante.

À combien s'élèvent les achats en ligne?

On estime les achats en ligne à 9,1 milliards $ au Québec en 2017. En 2015, ce chiffre était évalué à 8 milliards et il se situait à 6,6 milliards en 2014.

Il s’agit donc d’une hausse de 2,5 milliards de dollars en trois ans!

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Quelle proportion des achats est passée sur des sites québécois?

En 2017, seulement 27 % de l’argent dépensé en ligne par les Québécois était sur le site d’un commerce basé au Québec.  

Ce qui veut dire que 73 % de ces montants ont quitté l’économie québécoise au profit d’autres provinces canadiennes ou d’autres pays.  

Selon ce graphique, près de la moitié des achats en ligne seraient effectués sur des sites américains.

Toutefois, il faut aussi considérer que 15 % des achats en ligne des Québécois sont effectués sur Amazon.

Est-ce que, dans ce graphique, les achats passés sur Amazon sont comptabilisés comme étant des transactions sur des sites américains, même s’il s’agit d’achats passés auprès de boutiques canadiennes et québécoises sur Amazon Canada?

Dans un cas comme dans l’autre, les commerçants présents sur Amazon et les ecommerces américains sont définitivement ceux qui bénéficient présentement le plus des achats en ligne des Québécois.

Quelles sont les habitudes des consommateurs?

Qui sont les consommateurs en ligne? Quels sont leurs comportements et leurs préférences? Bref, comment le commerce en ligne a-t-il modifié leurs habitudes de consommation?

Les arguments en faveur de l'achat en ligne

Quelles sont les raisons qui motivent les Québécois à se tourner vers l’achat en ligne plutôt que d’aller acheter directement en magasin?

Voici les trois principales raisons évoquées:

  1. 41 %: les prix sont moins chers en ligne.
  2. 35 %: ils ne veulent pas avoir à se déplacer pour faire leurs achats
  3. 28 %: ils ont la possibilité de magasiner en ligne à tout moment, 24h/24, 7jours/7.  

Quelles sont les raisons de ceux qui n’achètent jamais en ligne?

En moyenne, 42 % de la population québécoise ne fait pas d’achats en ligne. Quels sont les facteurs qui font en sorte qu’ils n’ont pas adopté ce mode de consommation?

Les boutiques en ligne sont complémentaires aux boutiques physiques

Ce serait une erreur de penser que la rentabilité d'une boutique en ligne ne se calcule qu'en ventes effectuées électroniquement. En effet, elles ont un rôle très important à jouer auprès des consommateurs, même ceux qui n'achètent jamais sur internet.

En 2017, 80 % des Québécois ont fait des recherches d'informations sur internet avant de se rendre en magasin et 66 % consultent l'inventaire en ligne avant de s'y rendre, ce qui leur permet de "magasiner à l'avance" et de s'assurer qu'ils trouveront ce qu'ils recherchent. Ils sont aussi 48 % à utiliser leur appareil mobile en magasin, par exemple pour se renseigner sur la disponibilité d'un article, comparer les modèles en magasin et en ligne, etc.

À l'inverse, les cyberacheteurs utilisent aussi les magasins physiques: 38% le font pour ramasser leurs achats passés en ligne et 27 % pour faire un retour de marchandise. 80 % des internautes vont aussi se rendre en magasin afin d'avoir de l'information sur des produits, pouvoir les voir et les toucher, avant de passer leur commande en ligne (par exemple lors d'une rupture de stock en magasin, pour éviter d'avoir à transporter la marchandise, ou pour avoir un meilleur prix.) 

Où en sont les commerçants québécois?

Selon les chiffres de L'ICEQ 2015, un très maigre 12,3 % des entreprises de moins de 100 employés,dans les domaines du commerce, de la manufacture ou de la vente de services, vendent leurs produits et services en ligne.

Disons ça autrement: 87,7% des petits commerces québécois n'ont pas de boutique en ligne.

Si on considère les chiffres révélés dans les paragraphes précédents, on réalise bien vite que c'est d'un non-sens absolu. Mais pourquoi est-ce que si peu de commerçants ont réclamé leur part du commerce électronique?

Voilà quelques-unes des principales raisons évoquées:

  • 52,7 % : Les produits ou services ne se prêtent pas à la vente sur Internet
  • 11,7 %: La clientèle visée ne se prête pas à la vente sur Internet
  • 4,4 %: Ne fait pas partie des priorités de l'équipe de direction de l'entreprise
  • 2 %: N'apporterait aucun avantage
  • 2 %: Demanderait une modification trop importante des façons de faire

Les deux raisons les plus souvent évoquées, que les produits ou services ou encore la clientèle ne se prêtent pas à la vente sur internet, sont un mythe tout à fait dépassé.

De nos jours, les consommateurs ont pris l'habitude de se procurer tout et n'importe quoi par internet et les produits qui ne se prêteraient véritablement pas à la vente sur internet se font excessivement rares. Pour ce qui est de la clientèle, elle se trouve très certainement sur internet, que ce soit parmi les cyberacheteurs ou ceux qui font simplement du webrooming.

Pourtant, 90% de ces entreprises ont quand même une présence sur le web, soit par un site d'entreprise et/ou des comptes sur les médias sociaux. Ils ont donc intégré le numérique à leur entreprise, mais ce n'est pas suffisant, car ils ont délaissé le côté le plus profitable, celui qui pourrait directement augmenter leur chiffre d'affaires... 

“Les principaux avantages perçus par les entreprises actives en commerce électronique sont l’accroissement des ventes, l’augmentation du nombre de clients, l’élargissement géographique de la clientèle, la réduction du temps de commercialisation et la réduction des coûts.” (source: CEFRIO)

Si on résume

58 % des adultes québécois sont des cyberacheteurs et ce chiffre est en augmentation constante, tout comme celui du montant total dépensé en ligne annuellement, estimé à 9,1 milliards $ en 2017.

Par contre, le retard technologique du Québec et la persistance de fausses croyances font en sorte que seulement 12,3 % des petits commerçants québécois avaient une boutique en ligne en 2014. C'est l'un des principaux facteurs qui expliquent en partie que seulement 26 % des sommes dépensées en ligne cette année-là (6,6 milliards) l'ont été chez des entreprises situées au Québec.

Trois ans plus tard, en 2017, ce chiffre a augmenté de 1% et se situe à 27%. C’est un début, mais c’est très, très loin d’être suffisant.

"(...) puisque le commerce électronique croît à un rythme plus soutenu que le commerce de détail dans son ensemble, cela contribue négativement à l’équilibre commercial du Québec, et ce, de façon croissante.” (source: CEFRIO)

À la lumière des informations présentées dans cet article, voici donc un résumé des raisons qui peuvent expliquer pourquoi la proportion d'achats en ligne effectués sur des boutiques québécoises est si mince:

  • La majorité des petits commerces québécois n'ont pas de boutique en ligne, ce qui fait en sorte que les cyberacheteurs se tournent vers les boutiques étrangères pour répondre à leurs besoins. 
  • Les cyberacheteurs québécois ne connaissent pas les ecommerces québécois en ligne. "Exister" en ligne n'est pas suffisant, il faut savoir atteindre son public cible et mettre ses produits de l'avant grâce à une bonne stratégie de web-marketing.
  •  Les commerçants québécois sont peu nombreux à tirer avantage des marketplaces pertinentes, comme Amazon qui récolte à lui seul 15 % des ventes totales effectuées en ligne au Québec. 
  • Les cyberacheteurs ont des attentes élevées envers les boutiques en ligne. Ils s'attendent entre autres à utiliser des sites "responsive" qui s'afficheront bien sur leurs appareils mobiles, des prix compétitifs, des fiches de produits détaillées, des avis d'autres utilisateurs, et la très grande majorité (80 %) considère que la livraison gratuite est un facteur déterminant. Les ecommerces québécois doivent donc suivre ces tendances et s'adapter à la réalité du consommateur, de ses attentes et ses habitudes.

Toutefois, même si le Québec traîne de la patte en ecommerce, les commerçants doivent le voir comme une opportunité.

Cela veut dire qu'il y a très peu de compétition sur internet présentement à avoir l'avantage unique dont ils disposent: la connaissance et la compréhension de la culture québécoise. C'est ce qui peut leur permettre de joindre plus efficacement les cyberacheteurs québécois et s'adresser à eux d'une façon qui les interpelle pour leur proposer des produits qui correspondent réellement à leurs besoins et désirs.

Il ne faut également pas négliger le sentiment d'appartenance au Québec qui reste très fort. On aime "encourager" nos entreprises. Lorsque nos entreprises se démarquent, on préfère largement acheter "du Québec".

Alors, si vous êtes un commerçant québécois qui avez des produits ou services à offrir et que vous ne faites pas de ventes en ligne, c'est le moment ou jamais de s'y mettre!

Sources:

Le commerce électronique au Québec-Édition 2017 (NETendance et Cefrio)

Indice du commerce électronique au Québec, volet entreprises 2015

Indice du commerce électronique au Québec, 2017

“Le CEFRIO dévoile un large portrait de l’achat en ligne et des habitudes des cyberacheteurs au Québec”, date de parution : 25 avril 2018

"Le commerce électronique réaffirme sa popularité au Québec", date de parution: 22 mars 2017

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